30 juillet 2013 : Ontario
Enfin assise dans mon fauteuil capitaine au volant de mon fougueux compagnon de voyage, Gontran. La nomade en moi explose en feux d’artifice et est prête à affronter l’inconnu, l’imprévu, le drôle… et le moins drôle.
Les départs ne sont pas tous glorieux. Ce matin, après les bisous au comité d’au revoir de la rue Lafond, je m’aperçois que j’ai oublié toutes les laisses de Cléo. Malgré la belle réputation des États au sujet des chiens, j’ai besoin des laisses. On vire de bord, stationne à 2 rues pour éviter que les amis du comité de départ ne revoient Gontran et ne s’inquiètent (Ô orgueil!). On se remet en branle. La longue et ennuyante 40 pour sortir de Montréal… MON VÉLO! Oublié lui aussi… trop loin pour revenir sur mes pas. Je marcherai plus, d’autant que Cléo a maintenant des sacoches et peut donc tout transporter.
Vers midi, encore au Québec, je cherche une aire où m’arrêter pour me faire une salade et un thé. Impossible. C’est en Ontario que nous avons pu nous arrêter. Les Onroute ontariens sont le grand luxe des restarias (sic, je sais, Mamie en cavale n’est pas inculte). Ouf! J’y fais même une sieste.


Première étape prévue (la seule en fait): Picton, le comté de Prince Edward et sa route des saveurs reconnue pour ses nombreux vignobles. Mamie la gourmande y voit une opportunité d’allier plaisir et route. C’est un long détour, mais c’est champêtre. J’y déguste enfin les bonnes pêches ontariennes et m’installe pour la nuit au Parc provincial Sandbanks. Pas fameux ce camping à 42$. sans service. Mais il y a une plage au bord du lac Ontario. Au moment de m’endormir, une bonne pluie s’abat sur nous.


Au réveil, il pleut toujours. Sur la route qui nous ramène à la 401, la circulation est bloquée : plein de touristes! Par devoir, je m’arrête à un vignoble et j’achète un cabernet sauvignon à 30$. Mais qu’est-ce qui m’a pris??? Le monsieur était trop gentil… Nous avons passé les frontières à Sarnia en 2 minutes : avis aux personnes qui s’inquiètent, et qui m’ont inquiétée. Donc mes belles pêches de l’Ontario et ma laitue de la Terre ferme sont toujours au frigo.
- La maison du viticulteur: est-ce ce qu’on appelle une maison verte?
5 aout 2013 : Début sur la route 66
Chicago. Peu à dire : pour Mamie en cavale, c’est surtout le départ tant souhaité de la Route 66. Je ne pouvais manquer le fameux Lou Mitchell`s, où tous prennent un repas graisseux avant la grande aventure. Il fut un temps où les Harley pavanaient en grand nombre en devanture…
En sortant de Chicago par la I-55, je me rends à Joliet, première étape de la Route. Elle devrait son nom à Louis Joliet parce qu’il trappait dans ce coin au 17e siècle. Beaucoup de noms francophones autour. C’est à la vieille prison de Joliet qu’a été tournée la série Prison break. Les bizarreries commencent :
Camping Tameling sur la route 129 pour 3 nuits. Un peu de repos est bienvenu (j’ai mis la lime dans mon vin plutôt que dans la marinade). Les vacanciers ici sont des gens pauvres qui se paient un beau coin de verdure à peu de frais, et qui sont très gentils. Ils m’approchent timidement : je ne suis pas une des leurs, à taper tout le temps sur l’ordi ou l’IPod. Je ressens un peu de gêne. Rien de glamour donc, mais la nature est belle; et ce qui n’est pas pour me déplaire : 15$ la nuit, électricité, vidange et eau potable fournies! Voyez: https://www.youtube.com/watch?v=McbDdaDzxCU
Ma Mother Road, comme la nommait Steinbeck, est teintée de son livre Les Raisins de la colère qui m’a accompagnée tout le long. En quittant le camping, je roule sur la 116, appelée Old Route 66. C’est souvent en parallèle de la 1-55. En plus, il y a cette vraie Route 66, en tronçons, sur lesquels on peut se promener à pieds si on est un peu nostalgique de l’époque ou si on est romantique. Nous y avons fait quelques pas, nous aussi, en pensant aux exilés des années 30.

Du 8 au 10 aout : Charmantes villes
Direction Braidwood où je trouve ces mannequins célèbres (Elvis, Marylin…) au Polk A Dot Drive In. Pas pu m’empêcher de les photographier, même si on les voit sur tous les sites Internet! Surtout que Mamie en cavale est passablement excitée d’y être enfin, après des mois de rêve et de préparation.
Puis, les villages et les villes de la route se succèdent : Dwight, première ville du coin à avoir une police. (bien à l’aise, la Cléo)
Belle balade dans Pontiac, rien à voir avec l’industrie de l’auto, mais qui surfe là-dessus quand même, et sur Lincoln bien entendu.
Jusqu’à ce que l’orage s’amène derrière nous et nous pousse vers Gontran. Puis les éclairs fusent partout autour de nous, comme un filet jeté pour nous piéger. J’ai l’impression de conduire un avion et d’entrer dans un nuage. Ça pète à boucher les tympans, le vent nous fait tanguer; je cherche le tourbillon annonciateur de catastrophe… Je laisse tomber le Old Log Cabin et sa fameuse tarte aux pêches et file vers le Sud. Ouf! l’orage est enfin derrière nous.
- J’ai l’impression que je conduis un avion et que j’entre dans un nuage.
12 aout: Lincoln
Dodo au camping Camp a while. Pas bête comme nom de camping! Le lendemain, j’arrive à Lincoln après avoir déjà entendu beaucoup parler de lui (Lincoln…). Plein de choses à mettre dans la caboche de Mamie en cavale. Vire à gauche, vire à droite, reviens sur mes pas… j’étais tellement absorbée dans mes découvertes, que j’ai eu du mal retrouver Gontran. Une chance qu’il y a les églises. J’avais remarqué cette église en stationnant, son haut clocher me l’a pointé.
Ils ont conservé les anciennes affiches.
En nous promenant, nous avons trouvé ce coin charmant pour nous reposer un peu, et derrière, un préposé de la Ville m’assure que ce qu’on y sert est délicieux. En tout cas, c’est charmant.
15 aout : New Salem
Après 27 km de route secondaire (parfois tertiaire), nous voici à New Salem près de la ville de Petersburg. Quel bonheur de nous retrouver dans une profonde campagne, roulant doucement entre les champs, profitant d’une nature luxuriante aux arbres matures. Ouais, beaucoup de champs de maïs destiné à l’éthanol aussi. Même qu’ici, on n’a pas toujours le choix quand il faut faire le plein; on ne sait pas où on trouvera une station sans éthanol… À voir l’immensité des terres destinées à cette culture, je crois bien que c’est vrai qu’on pourrait nourrir toute la planète et même plus si on le voulait vraiment. Je suis toujours dans ces champs de maïs depuis que je me promène aux US. J’ai honte de consommer ce carburant, quand je pense qu’un enfant meure de faim à chaque ligne que j’écris…
New Salem donc… Le jeune Lincoln y est arrivé en 1831. La légende veut qu’il ait eu des difficultés en navigant sur la rivière Sangamon et qu’il soit allé à New Salem pour trouver de l’aide. Là, il serait tombé en amour avec ce village; il y resta pendant 6 ans. Plus tard, il sera député de ce comté.
C’est un homme de paix; est-ce pour cela que les gens sont si affables ici? Nous rencontrons une famille si aimable… Papi et Mamie animent le village de New Salem (une reconstruction du village de l’époque) avec leurs adorables jumelles d’une douzaine d’années. Ils sont nos voisins de camping, un immense camping. Et ils ont une chien (golden retriever), alors Cléo est aussi heureuse que moi. D’autant qu’elle a rarement besoin de porter le collier.

18 aout : Springfield
Capitale de l’Illinois, 117 mille et quelques habitants, la ville la plus multiethnique de l’Illinois. On offre même des Gelati. Je crains toujours un peu les villes, mais il n’y avait aucune raison ce matin. Arrivées à 10 h, stationnement facile, trottoirs dégagés. Le ciel est d’un bleu limpide, on commence au nord, par l’immense cimetière Oak Ridge. Tant de jeunes ont sacrifié leur vie pour cette patrie. Ils sont là, près du tombeau de… Lincoln, cet homme de paix.


Je me suis baladée sereinement dans Springfield avec Cléo qui s’est fait traiter de Rintintin. Tous viennent à Cléo; même notre serveuse à la terrasse lui propose de l’eau. À ma grande joie, un marché public avait lieu ce samedi. Je me suis pressée à faire mes provisions avant la fermeture à 12 h 30. Il existe donc des producteurs autres que de maïs pour éthanol. J’ai même rapporté une grosse pièce de fromage : Le Jake’s Whell de la ferme Ludwig Farmstead. Un délice! La gourmandise n’est pas un vrai péché…
Pour ma dernière nuit en Illinois, j’ai voulu rouler un temps sur la Route de 1926-1930. On la déconseille, et je comprends: c’était si étroit qu’on avançait cahin-caha à 15-20 km/h. Une grosse autocaravane n’y arriverait pas. Les protagonistes des Raisins de la colère m’accompagnaient, je les imaginais ici et là, cherchant de l’eau, une pièce de moteur, quêtant parfois un peu de nourriture. Je me sentais intégrée à la Route. (Mamie en cavale ne manque pas d’imagination!)

Voyez la carte de la route et la suite au 2e chapitre!